Achikochi

Emballages plastique au Japon, une image faussée ?

2023-08-15 | Lecture : 5 min

On a déjà parlé de la fascination du Japon avec le plastique ici et notamment comment la méthode de calcul mise en avant officiellement masque le volume important qui est tout simplement incinéré. Ou envoyé à l'étranger dans des pays à bas coûts et avec un cadre légal environnemental moins contraignant.

Image par statista, CC BY-ND
Volume de déchets plastiques envoyés à l'étranger par pays en 2022, le Japon en 3eme place avec près de 600 000 tonnes

Mais depuis quelques semaines, des voix s’élèvent pour expliquer qu’en réalité, le Japon n’est pas si utilisateur d’emballages plastique que ça.

Passion plastique

Au risque de répéter ce que j’ai déjà dit dans mon article précédent (4 ans deja…), le plastique est partout au Japon et les exemples de sur-emballage sont légion. Tellement qu’il y a même un compte Instagram sur le sujet : Plastic Obsessed Japan. Tout le monde y va de ses expériences, vidéos et tweets dépités.

Mais dernièrement, certains créateurs, comme Tev d’Ici Japon ont cherché à relativiser le problème et à débunker cette information. Le Japon ne serait pas “un des plus gros consommateur de plastique du monde, juste derrière les USA” mais bien plus bas dans le classement, sous la moyenne de l’OCDE et avec une consommation moindre que la France.

Dur de trouver l’article exact qu’ils mentionnent vu qu’aucun ne précise ses sources mais ils semblent faire référence à ce rapport de l’OCDE sur la pollution plastique ou un des nombreux articles (comme ici La Croix) qui en reprend les principales conclusions.

Et effectivement, le Japon (et la Corée) est bien cité comme produisant 69kg de déchets plastique par an et par habitant, bien en dessous des 114kg de la moyenne de l’OCDE et des 221kg des USA.

Sauf que…

Il y a déchets plastique et déchets plastique

Ce qu’étudie l’OCDE dans ce rapport, ce n’est pas le contenu de nos (ou en tout cas de mes) poubelles mais l’ensemble de l’industrie du plastique, de la production du plastique en tant que matière première jusqu’a la destruction ou mise au rebut (c’est à dire ce qui n’est pas recyclé et fini dans la nature ou en décharge), en se concentrant sur cette dernière partie.

Les 69kg mentionnés plus haut sont donc les déchets plastique, autant ménagers qu’industriels ou issus des activités maritimes, et qui ne finissent pas dans une des filières de “recyclage” mais en décharge, dans les rivières ou sur les plages.

A ce titre, on peut dire que le Japon est un bon élève pour la récupération des déchets au sein de l’OCDE. Même l’activité de recyclage réel (réutilisation etc) est à un bon niveau à 12% au dessus des 9% de l’ensemble des pays.

Si on se plonge dans le rapport détaillé pour 2022, on constate notamment que si le Japon a effectivement un bon résultat sur le sujet, c’est grace à un bien moindre usage de la mise en décharge et à un recours largement plus massif à l’incinération que toutes les autres régions étudiées dans le rapport.

Source des déchets
Le Japon est, avec la Corée, groupé dans OCDE Pacifique

Instant anecdote inutile : si vous vous demandiez de qu’était ce bâtiment juste à coté de l’Immigration à Tokyo, c’est un de ces incinérateurs. Mais si vous voulez en voir d’autres, levez les yeux, ces cheminées sont caractéristiques et dispersées partout dans Tokyo.

Incinérateur de Minato, photo MHI Environmental & Chemical Engineering Co.

Et si vous vous demandez ou sont les décharges ou comment ca se passe à l’intérieur d’un incinérateur, cet article est très complet.

Et les emballages alors ?

Bon, nous savons maintenant que les fameux 69kg ne sont pas représentatifs des emballages. Soit. Du coup, crache ta Valda, qu’en est-il des emballages, vous entends-je hurler derrière votre écran.

Dans ses documents, le Ministère de l’Environnement fait référence aux travaux des Nations Unis sur le sujet, eux-mêmes inspiré du travail de Geyer, Jambeck et Law en 2017. Et ici, on ne parle pas de déchet ultime mais bien de ce qu’il y a dans nos poubelles.

Si la Chine est largement devant en termes de production brute d’emballages, rapporté aux déchets par habitants, les États-Unis se retrouvent en première place, suivis par le Japon à 32.4kg par habitants.

Emballages plastique par habitants, le Japon en 2nd position
Emballages plastique par habitants, le Japon en 2nd position

La réputation du Japon est donc belle et bien fondée.

Plusieurs choses à noter cependant:

  • les sacs plastiques en supermarché etc sont devenus payants en 2020. Ca n’empêche pas les suremballages deja existants autour des fruits et légumes, dans les paquets et les sacs fins rajoutés quasi mécaniquement autour des barquettes de viande. Dans les konbini, il semble qu’un an après la mise en place de la mesure, 75% des clients se passent de sacs.
  • le volume de déchets plastique dans l’ensemble est en hausse chez les particuliers japonais et 77.2% de ces déchets sont des emballages à usage unique (chiffres de 2019). Je n’ai pas trouvé les chiffres spécifiques au Japon, mais la tendance mondiale lors de la pandémie et les différents confinements mis en oeuvre a été à une augmentation de leur usage sur la période et on peut supposer la même chose pour le Japon (Uber Eats et Demae-Kan ont fait leurs choux gras à ce moment-là).

Le mot de la fin

La réputation du Japon est donc loin d’être injustifiée et il est toujours utile (mais pas forcément passionnant) de se plonger dans les définitions des rapports et ne pas se contenter des titres des articles qui simplifient les études d’envergure.