Achikochi

Communiquer avec les touristes : les problèmes de traduction

2017-03-03 | Lecture : 6 min

La traduction des noms de lieux et la communication avecles touristes, ou plus géneralement les personnes ne maitrisant pas la langue est une préoccupation au Japon.

C’est un sujet pris très au sérieux par le gouvernement japonais en préparation des jeux olympiques de 2020 (doh) et pour atteindre leur objectif ambitieux de touristes étrangers (inbound tourism, j’y reviendrais dans un autre article). Cela fait l’objet de très sérieuses études et présentations.

Different systèmes de transcription

La romanisation du Japonais a connu plusieurs phases et ce, depuis l’arrivée des premiers Européens.

Aujourd’hui, plusieurs systèmes cohabitent:

  • Hepburn ou Hepburn modifié : le plus commun aujourd’hui, développé par le GHQ américain après la seconde guerre mondiale
  • Nihon-shiki : créé par les Japonais en 1885, initialement pour complètement remplacer les kanjis et kanas
  • Kunrei-shiki : le successeur du Nihon-shiki. La principale différence est l’absence de différenciation entre づ et ず etc.
  • ainsi que d’autres systèmes issus des méthodes de frappes sur ordinateurs etc…

Si on prend 縮む, on peu donc le romaniser en chijimu, tizimu, tidimu…

Et pendant longtemps, il n’y avait pas de règles ce qui fait qu’il est toujours possible de voir écrit Shinjuku, Sindyuku…

La transcription des noms eux-mêmes

Au delà du système de transcription lui même, le choix de la représentation des noms elle même présente un défi.

Pour la transcription des noms, cinq principales méthodes sont retenues:

  • La romanisation brute de décoffrage : Gunkanjima, Tochomae (都庁前),
  • La traduction brute : Battleship Island, National Diet (国会),
  • La méthode par substitution : le mont Fuji (富士山), le mont Ko (小山), la rivière Sumida (隅田川)
  • La méthode par addition : le pont Nihonbashi, Gunkanjima Island, le mont Takaosan, …
  • L’évitement: Codes alphanumériques des gares de Tokyo.

L’objectif est toujours de faciliter la communication entre quelqu’un ne parlant pas Japonais et un Japonais n’ayant pas forcément une maitrise d’une langue étrangère, le but est d’avoir un mot, reconnaissable par les deux.

La règle (parce qu’une règle existe depuis début 2016) est la suivante:

  • les noms de lieux incorporant un kanji pour un élément naturel (rivière, montagne, col, plateau), sont retranscrits par addition
  • les installations (aéroports, …) sont de base retranscrites par substitution à l’exception des routes (Yamate dori Avenue), temples (Zojo-ji temple) et sanctuaires (Kiyomizu-dera Temple)

Il y a évidemment des exceptions mais c’est déjà un bon début. La totalité des règles est ici (en anglais).

Et au delà des langues européennes

C’est en fait le point de départ de cet article, plus sous forme de questions qu’autre chose.

Les règles énoncées plus haut concernent très majoritairement les langues européennes et principalement l’anglais. Sauf que, 60~75% des touristes au Japon viennent de pays sinophones. Si vous ajoutez le reste de l’Asie, vous montez à 90% (je reviendrais sur ces chiffres dans un article très bientôt). Donc l’Anglais n’est pas la langue de départ.

Certaines langues comme le Coréen supportent très bien la retranscription syllabique, avec un petit « accent » qui reste compréhensible. D’autres langues ont des moyens de retranscrire les langues étrangères. Donc pas de problème de ce côté.

Mais pour le Chinois ? D’un côté, le Chinois utilise des idéogrammes similaires. Même si cette formulation met de côté les caractères traditionnels et simplifiés, les simplifications différentes entre le Japon et la Chine et toute la galaxie de dialectes chinois qui utilisent des caractères différents du chinois standard, ça reste un point commun. Niveau compréhension de l’écrit, pas de souci.

Mais la question n’est pas là. C’est sûr que 新宿 et 新宿, c’est la même chose. Mais si vous êtes touriste et que vous demandez votre chemin, Xinsù et Shinjuku ne se ressemblent plus tant que ça. Certains me disent que de toute façon, tous les Chinois venant au Japon parlent anglais et que donc ça ne pose pas de problème. Mais ça ne correspond pas à ma propre expérience, y compris parmi les Chinois inscrit dans mon MBA, intégralement enseigné en Anglais…

Ma question est donc, pourquoi voit-on si peu de translitération des noms japonais en Chinois ? Le Chinois s’adapte très bien du syllabique, C’est comme ça que Karaoke (initialement 空オケ puis カラオケ) est devenu 卡拉OK en arrivant en Chine. Ou que les macarons sont 馬卡龍. Ou en utilisant le radical 口 pour préciser que c’est le son du caractère qui est utilisé et non son sens.

La seule fois que j’ai vu du « Japonais » retranscrit en Chinois est pour le Lalaport de Toyosu. Dans la gare, un panneau indique 拉拉港 . Point final.

Pourquoi y a-t-il si peu de retranscription reste un mystère pour moi. Même lors du JLPT, les panneaux sont en Japonais (en hiragana), Anglais, Vietnamien et Thai. Pas le moindre idéogramme.

La solution de facilité : pas de traduction, pas de transcription

La dernière solution mise en oeuvre dans les gares à Tokyo : numéroter les stations. CY9, TK1…

Super. Sauf que lesdits numéros ne sont pas annoncés en Japonais. Donc ça reste exclusivement réservé aux visiteurs et est globalement incompréhensible par les voyageurs japonais. C’est sûr, les numéros sont affichés en gare et sur les écrans dans le train. Sauf que, la théorie le dit, si vous êtes exposé à une information dont vous ne faites rien (ou qui ne vous concerne pas, ne vous intéresse pas, ou que vous rejetez), vous ne la retiendrez pas. Donc ça limite énormément le nombre de personne capable de comprendre ce que vous voulez dire quand vous lui demandez le chemin vers Ueno Station (qui par ailleurs a 6 différents numéros avec ce système).

Exemples de panneaux indicateurs de lignes de train avec numerotation (Ex. : JU02, JK30, JY05, G16, H17)
Simplifiez qu’y disaient

Le mot de la fin

Plutot une grosse question : quel systeme de transcription est le plus efficace ? L’anglais fait sens en Europe parce que les différents pays proches parlent différentes langues. MAIS ça n’empêche pas la RATP par exemple de faire passer des annonces en différentes langues en fonction des périodes de vacances des pays correspondants.

Pour l’Asie, c’est moins évident. Statistiquement, avoir une communication en Chinois ferait sens. Pourquoi ce focus sur l’anglais ? La vraie raison est-elle diplomatique ? L’occupation américaine (et les bases toujours présentes) et les tensions récurrentes avec la Chine sont-elles les vraies raisons ? Mais dans ce cas, pourquoi pas de Russe, de Thai de Tagalog ou de Vietnamien ? Le Coréen est bien présent mais largement moins que l’Anglais.

Je reste partisan d’apprendre un minimum la langue du pays où je vais en visite mais je sais aussi que tout le monde n’a pas la même façon de penser.

Bref, si vous avez des éléments de réponse, je suis preneur.