Infrastructures vieillissantes, plus que du béton
Si les infrastructures japonaises sont souvent citées en exemple, depuis une dizaine d'années, le gouvernement autant que le puissant lobby de la construction alertent sur les risques et le manque de maintenance des infrastructures ainsi que sur leur degradations.
Il faut dire qu’entre les ponts entre les différentes îles, les montagnes omniprésentes, toutes les routes, autoroutes et voies de chemin de fer bâties en hauteur ou sur piliers, il y a de quoi faire. Surtout que beaucoup de ces infrastructures ont été construites ou reconstruites dans l’immédiat après-guerre ou dans la course a la modernisation pour les JO de 1964. De ce fait, beaucoup de ces ouvrages ont maintenant plus de 50 ans, soit au dela de l’esperance de vie pour beaucoup d’entre eux.
Et quand je dis beaucoup, c’est beaucoup. En 2023, les infrastructures de plus de 50 ans c’est :
- 730,000 ponts (parmi 5,2 millions, vieillissant dans l’ensemble),
- 11,000 tunnels,
- 10,000 retenues d’eau, digues etc,
- 470 km d’égouts
- 5,000 quais et installations portuaires.
Des années d’alerte
Ces dernières années, c’est l’effondrement d’un pont ferroviaire en 2022 dans le département de Fukushima en 2022, après de très fortes pluies qui a fait les gros titres.
Cependant, c’est depuis 2012 que le lobby du béton alerte sur l’état des infrastructures, notamment en réaction de l’accident du tunnel de Sasago (Yamanashi) dans lequel 150 panneaux de béton d’ 1,5 tonnes piece s’effondrent, écrasant deux voitures et une camionnette, menant a la mort de 9 personnes et provoquant un incendie dans la foulée. En cause : le manque de maintenance.
Alors que le lobby du béton est tres puissant au Japon, cela fait des années que les alertes sur l’état des infrastructures (ponts, tunnels, eau etc) sonnent. L’accident de Sasago a fait entrer le sujet dans le discours public dès 2013.
Cependant, le Nikkei avait publié un article en 2022 faisant le bilan de la décennie sur le sujet et constatait le peu de résultats…
Toujours au cœur des discussions est le manque de personnel pour le diagnostic et encore plus pour la réalisation de la maintenance
Entre fiction et réalité
Pourtant, les constructions continuent. Les gros projets comme le projet de Maglev, ou le bétonnage de l’ensemble des côtes du Japon. Comme dans beaucoup d’industrie, il est mieux perçu de lancer de nouveaux projets inutiles, vus comme ajoutant au PIB que de maintenir l’existant, activité vu comme un coût a réduire autant que possible. C’est vrai dans la construction, dans l’informatique, la logistique etc…
Et quite a parler de projets inutiles, il faut évidemment parler des projets qui ont fleuri ces dernières années pour essayer de résoudre le problème :
- évidemment qu’ils veulent utiliser des drones
- évidemment qu’ils veulent utiliser des robots
- évidemment qu’ils veulent utiliser la VR
Si ces projets sont en partie dus a la volonté de surfer sur la vague marketing du moment, mais ça s’inscrit aussi dans la stratégie développée en commun avec l’Allemagne d’Industry 4.0, renommée en Society 5.0 pour masquer le manque de réussite des projets précédents.
Et pourtant, ce recadrage vers la Society est important. Car la course aux solutions techniques a ce qui pourtant est un ensemble de problèmes humains et sociaux n’aide pas. Cette course aux projets shiny et le désintérêt pour la maintenance et les solutions existantes touche les communautés rurales le plus durement. Les financements et les projets se concentrent dans les grandes villes (la ou la situation est pourtant moins dégradée). Et dans certains cas, ca veut dire que le gouvernement se désinvestit des territoires et demande aux habitants de déménager en ville. Par exemple sur toute la cote ouest du Japon, qui fait face a la Corée et a la Chine, connue pour ses chutes de neige importantes et ou le gouvernement abandonne le déneigement et demande aux habitants de partir vivre en ville. Ou les gares fermées. Ou les ponts interdits a la circulation car dangereux.
Le mot de la fin
Tous ces problèmes se cumulent et le déménagement est plus simple pour les plus jeunes ou les personnes en age de travailler mais plus difficile pour les personnes agées, ce qui aggravent le problème d’exode rurale et de concentration dans les grandes villes mais aggrave aussi le manque de main d’oeuvre et de financement la ou pourtant ils sont nécessaires.
Comme souvent, le sujet des infrastructures pourrait être pris comme un sujet purement technique et le gouvernement comme les entreprises du secteur ont l’air de le prendre tel quel, oubliant les communautés et personnes concernées au premier plan.