Achikochi

« AKB48 et les Black Kigyo » ou le miroir des problèmes de société

2017-03-17 | Lecture : 4 min

Je n’ai jamais compris l’engouement pour les AKB48 et la galaxie de groupes, sous-groupes, collaborations etc qui font que des 48 membres initiaux, on en est a plus de 300 aujourd’hui. Simplifions en les appellant XYZ48.

Mais du coup, j’ai voulu en savoir plus et surtout comprendre.

Anti-AKB48 ?

Les anti-AKB ressortent souvent des accusations de pédophilies (des filles entre 12 et 18 ans, aguichant leur public d’hommes d’une trentaine d’années. Des débouchés fréquents dans le monde du porno, …) et qu’elles ne savent pas chanter.

Sauf que ça ne me satisfaisait pas vraiment. Je les rejoins sur le côté malsain du groupe, surtout en voyant les décisions de justice autorisant les concerts réservés aux hommes.

Quand à leur capacité à chanter, c’est le cas de beaucoup de groupes populaires japonais. L’objectif n’étant pas de démontrer une maîtrise parfaite mais de sortir des tubes qui sont faciles à chanter en karaoke. Et pouvoir dire « même moi, je chante mieux que X ». Et les XYZ48 y parviennent très bien.

Ces formulations des antis n’explique pas leur succès.

Du coup, quand j’ai vu passer un article du Japan Subculture Research Center sur le sujet (géré par Jake Adelstein, même si l’auteur est Kaori Shoji), je m’y suis intéressé. Et j’ai ajouté un livre à ma pile (soyons réaliste : mes piles) de livres.

Et pour faire simple : je ne suis pas le public cible du groupe.

Pas exactement ce à quoi je m’attendais, mieux

Contrairement à ce que dit l’article du JSCR, le livre ne se concentre pas sur les liens entre le milieu du divertissement et le milieu de la prostitution, qui étaient, apparemment, gérés par les mêmes personnes avant guerre (les zegen).

Comme le titre du livre l’indique, l’auteur se concentre sur les ressemblances entre les méthodes de management du groupe et celles des Black Kigyo. Sakakura Shohei connaissant particulièrement bien le sujet car il est fondateur de l’association POSSE qui se concentre sur les problèmes de société induits par le monde du travail japonais.

Le mot Black Kigyo (companies noires, quoique le terme générique semble être « atelier de misère ») désignait initialement les entreprises devantures des Yakuzas avant que le termes ne soit étendu, d’abord sur internet puis dans toute la société japonaise, à toutes les entreprises abusant de leur position pour exploiter leurs employés. Harcèlement, heures supplémentaires non payées, compétition encouragée entre employés, …

Et c’est diablement intéressant.

Les publics cibles des AKB48

L’auteur explique que les chansons des XYZ48 ont deux publics cibles:

  • les membres eux mêmes
  • les japonais de la génération de Yasushi Akimoto, le producteur, et la génération suivante

Akimoto est décrit comme communiquant avec les membres principalement au travers des paroles des chansons qu’il leur écrit. Pour les encourager, forger leurs éléments de langage et comment elles doivent se présenter devant leurs fans mais aussi pour les recadrer. Souvent pour les recadrer en fait.

Il navigue entre culpabilisation (vous êtes responsables de votre manque de popularité), encouragement à la compétition (atteindre le meilleur classement lors des élections annuelles, être la plus populaire lors des serrages de main, …) tout en maintenant un esprit de groupe (vous la sentez l’injonction contraire ici ?). Tout en maintenant un contrôle absolu sur leur vies et leurs emplois du temps, leurs interactions avec les fans et la qualité des chansons que lui même écrit et produit à leur intention.

Par ailleurs, l’auteur fait très bien le lien avec les métiers d’accueil, où vous vous devez de toujours donner du positif, tout le temps, en toutes circonstances. Et 24h sur 24, en mettant l’accent sur la publication la plus fréquente possible sur Google Plus (non, ce n’est pas une typo) pour garder le contact avec les fans. L’objectif annoncé est de créer des idoles qu’on peut rencontrer. Des idoles next door.

Ces chansons abordent aussi des thèmes qui résonnent avec la génération d’Akimoto. Élevés dans les années 80, n’ayant connu que les 30 années perdues après l’éclatement de la bulle, avec une propension au travail précaire, mal payé. Un rejet généralisé des générations d’avant (les adultes en général) et ceux qui ont réussi, qui ont fait des études et réussi dans la vie.

Un groupe pour la génération Trump en somme.

Verdict

La lecture est prenante même si il y a de sérieuses redites entre les différents chapitres.

L’auteur reste partial. Il analyse une cinquantaine de chansons triées sur le volet. Ca reste intéressant de voir dans quel contexte les XYZ48 ont émergé, après plusieurs autres projets n’ayant pas connu le même succès. Plus une étude du problème du milieu du travail au Japon ces dernières années au travers du miroir des XYZ48 plutôt qu’une critique ou étude du groupe.

On reste loin de la plongée dans le monde du proxénétisme vendu par le JSRC mais ça donne une très bonne idée des raisons du succès du groupe.

Est-ce que j’en recommande la lecture ? Meh.