Faire du Japon la première destination touristique mondiale
Deuxième épisode dans la série des livres sur le tourisme, je viens de finir « Faire du Japon la première destination touristique mondiale » (世界一訪れたい日本のつくりかた) de David Atkinson. Une approche assez différente par rapport au précédent mais des points très intéressant.
Passé – futur
Dans « Stratégie Post-Bakugai« , l’auteur prenait le temps de faire la lumière sur la réalité du tourisme de ces dernières années et je trouvais justement que la partie stratégie, pourtant bien mise en avant dans le titre, manquait sérieusement.
Pour David Atkinson au contraire, les données et les éléments historiques fournis servent uniquement a soutenir des propositions d’action. S’il reprend des données historiques sur les arrivées de touristes, c’est pour pointer quels sont les segments les plus porteurs dans les prochaines années, ou ceux qui ont été délaissés lors des campagnes de communication. Pour lui, une seule ligne directrice : comment faire pour atteindre les objectifs en termes de nombre de touristes (40 millions en 2020, 60 en 2030) et de consommation de ces touristes (8 trillions de yens en 2020, 15 en 2030).
De petites révolutions
De par ses explications, on comprend comment l’industrie du tourisme au Japon a émergé et les défis auxquelles elle est confronté aujourd’hui. Chaque chapitre liste des défis ou comment mieux répondre à la demande touristique avec dans certains cas de véritables petites révolutions (mettre en avant la nature, professionnaliser la culture ou le management des parcs naturels…)
Principalement créée après guerre, période d’explosion économique, l’industrie a pu se développer simplement en jouant sur la quantité. Ca tombe bien car cela correspondait a la demande avec de gros pics de fréquentation lors des quelques vacances et une saison morte tout le reste du temps.
Pour donner un exemple concret issu du livre, parlons magasins de souvenirs et boutiques touristiques en général. Chaque lieu avait son lot de boutiques, globalement identiques, proposant les mêmes produits, au même prix. La raison ? Parce que les touristes venaient en bus et qu’il fallait que tous repartent avec des souvenirs labellisés du nom du lieu. Si une boutique proposait un produit spécifique, elle aurait créé un goulot d’étranglement qui aurait géné la bonne marche du circuit et aurait au final nuit au commerce de la ville.
Atkinson présente ça sous les noms de Tourisme Showa, Heisei et Futur. Le tourisme Showa correspond au tourisme de masse, trop de demande par rapport a la capacité. Pour le Japon ce sont les débuts du tourisme, avec très majoritairement des touristes japonais et une compétition sur les prix, jusqu’a la fin des années 2000 (même si on est deja bien dans la période Heisei). Le tourisme Heisei voit la baisse des touristes japonais mais l’arrivée en masse des touristes asiatiques qui donnent l’occasion de réutiliser les mêmes infrastructures sans avoir a changer d’approche.
Le tourisme du futur est justement l’objet du livre. Comment passer d’une situation ou le lieu est mis en avant à un tourisme centré sur le touriste et ses besoins et envies.
Et c’est sans doute là la plus grosse révolution mise en avant : que le tourisme applique les principes du marketing pour connaitre son marché potentiel et comment y répondre plutot que de supposer et de créer de l’insatisfaction. Notamment dans le cadre de la montée en gamme des services et de passer d’un tourisme ABC (Another Bloody Church) à un tourisme d’expérience.
Un Japon sans habitants ?
Ce qui m’a étonné cependant, malgré la promotion du tourisme d’expérience, c’est que l’auteur shunte complètement l’aspect humain et ne met au final en avant que des choses (objets, batiments, lieu) en avant. Pas d’interaction avec les Japonais en dehors du personnel d’hotel (et encore, principalement pour s’en plaindre). Ce que je trouve étonnant puisque, même pour AirBnB, c’était un gros point marketing et ce qui a fait le succès de la plateforme à son démarrage.
Et c’est une impression qui m’a suivi dès le tout début du livre, dès la page 3 en fait. Alors qu’il vient d’écrire que la croissance fulgurante du nombre de touristes provoque des réactions de rejets dans certaines zones touristiques (on pense notamment a Kyoto), l’auteur présente ses principaux thèmes en évacuant littéralement l’aspect humain.
D’un côté, je comprends d’où peut venir cet approche : 15 ans en tant qu’analyste économique chez Goldman Sachs. Ca donne une approche très factuelle mais un peu froide. S’il dirige aujourd’hui une entreprise de restauration et de mise en avant du patrimoine japonais et qu’il semble réellement mettre en avant l’humain dans son travail de tout les jours, ça ne transparait pas dans son livre.
Mais ça me rappelle un peu trop la Slush Asia. Un peu l’impression que le Japon devient ce lieu un peu hors du monde mais dont les locaux n’existent que pour se faire critiquer.
Le mot de la fin
Acheté un peu sur un coup de tête après la série d’article dans le Toyo Keizai, j’ai franchement aimé ce livre, malgré les quelques réserves énoncées plus haut.
Le contenu va beaucoup plus loin que le peu que j’ai pu écrire (mais l’objectif c’est justement que vous lisiez le livre donc…), est solidement bati et peut très certainement servir de document de base pour aborder le marché du tourisme au Japon.
Donc si vous avez un pied dans l’industrie ou si vous voulez savoir dans quelle direction va le Japon, foncez, ça vaut le coup.