L'émergence du monozokuri, l'artisanat des années 1990
Un mot qui revient souvent en parlant du Japon, c’est monozukuri. Concept souvent difficilement définit, entre art, artisanat et industrie lourde, il est souvent invoqué pour vanter les mérites des produits japonais. Pourtant, le mot, comme le concept, n’a pas une histoire si longue.
Remontons le temps jusqu’à la fin des années 1990 : Monozukuri était inconnu, absent des dictionnaires. Avant ça, le rayonnement de l’industrie japonaise était porté par des entreprises emblématiques telles que Toyota, ses voitures et son système de production, ou par l’ingéniosité de Sony et de son Walkman.
Au Japon cependant, l’image de ces fleurons de l’industrie etait fortement liée à l’industrie et ses métiers 3K :
- Kitsui (difficiles),
- Kiken (dangereux),
- Kitanai (dégueulasses) (A ne pas confondre avec les 3K allemands et encore moins ceux des US)
Des connotations bien éloignées des prouesses techniques ou technologiques.
Les années 80 ont marqué un tournant majeur : le tertiaire a explosé, les services financiers, l’immobilier, l’IT ont pris le devant de la scène, accompagnés de délocalisations vers la Chine et dans une moindre mesure le reste de l’Asie. L’industrie, notamment l’automobile, a alors entrepris de redorer son image. D’où l’émergence d’un nouveau mot, Monozukuri, visant à mettre en lumière la spécificité de la production japonaise en l’associant à des concepts et des fabrications existants.
Cependant, c’est véritablement avec l’avènement de la Loi fondamentale pour la promotion des techniques de base du Monozukuri (ものづくり基盤技術振興基本法) en 1999 que ce terme a trouvé un écho. Une campagne de promotion d’envergure, un véritable exercice de Soft Power, a été déployée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Japon, pour véhiculer et intégrer ce concept dans les esprits.
Cette révolution linguistique ne s’arrête pas là. Il s’agit d’un rebranding délibéré, une volonté de créer une image neuve pour remplacer les connotations négatives associées aux termes utilisés avant, comme 製造 (seizou) et 生産 (seisan), et de les promouvoir grâce à une campagne médiatique massive. Ce mouvement dépasse le simple marketing ; il s’apparente à une forme d’essentialisme nationaliste, cherchant a créer un concept sensé représenter une certaine image de la fabrication japonaise.
Ainsi, Monozukuri est bien plus qu’un mot ; c’est une tradition inventée.