Achikochi

Le délicat équilibre du tourisme

2017-03-11 | Lecture : 5 min

Avec un objectif ambitieux de 40 millions de touristes étrangers en 2020, le tourisme (plus précisément inbound tourism) est un peu une des grandes causes du gouvernement actuellement. Jetons donc un oeil a l’industrie hôtelière au Japon.

Ceci est la deuxième partie d’une série sur le tourisme. La première partie (communication) est en ligne, la seconde, sur les chiffres détaillés sortira la semaine prochaine, une fois les chiffres officiels pour 2016 publiés.

Japon vs tourisme

Les chiffres du tourisme pour 2016 devraient sortir la semaine prochaine mais les chiffres de 2015 tout comme les prédictions pour 2016 montrent que les touristes étrangers représentent entre 14 et 15% des touristes au Japon.

Graphique representant le nombre de touristes au Japon en de 2012 a 2016. Les touristes etrangers, en orange, representent environ 12% de l'ensemble du marché
Touristes au Japon en 2016 (en orange : les touristes étrangers)

Et oui. même les 40 millions de touristes prévus pour 2020 seront largement minoritaires.

Et pourtant, les efforts du gouvernement ciblent tout particulièrement ce petit pourcentage.

Ce qui provoque quelques grincement de dents compréhensibles.

La Golden Route

Les deux grandes différences entre les touristes japonais et étrangers sont la concentration dans le temps (pour les Japonais) et dans l’espace (pour les étrangers).

Les Japonais sont connus pour avoir relativement peu de vacances et donc concentrer leurs déplacements au même moment.

Les étrangers eux ont rarement accès à une voiture et donc se concentrent sur des lieux faciles d’accès en train ce qui fait que là Golden Route règne en maître.

Ce qui peut générer ce qui ressemble a des contradictions : le Japon est en pénurie de chambres d’hôtels mais dans le même temps un nombre record d’hotels et de ryokans ferment par manque de clients…

Graphique representant le nombre d'hotels et de nuitées au Japon en de 2000 a 2014.
Evolution du nombre d'hotels et chambres au Japon

Evidemment, si on ne regarde que Tokyo, Osaka et Nagoya, l’image est très différente, avec de nombreuses nouvelles constructions.

Graphique representant le nombre de constructions d'hotels de 2004 a 2016. Une hausse tres importante est visible a partir de debut 2015.

Il est vrai aussi que beaucoup des hotels et ryokans ont été construits pendant les années de rapide développement au Japon. Leurs infrastructures et leur offre de service est parfois datée, que ce soit pour la clientèle japonaise ou étrangère. Ils ont aussi été durement frappés par la mise à jour des règles antisismiques en 2013.

Le gouvernement cherche donc à attirer de nouveaux visiteurs en dehors de cette Golden Route, ce qui explique toutes ces vidéos YouTube en partenariat avec JTB, JNTO ou des agences de voyages pour des coins reculés. Ce n’est pas tant que ces YouTubers ont découvert des lieux supers mais plutôt que ces agences reçoivent des primes pour les promouvoir.

Trop de touristes tue le lieu

Un des gros problèmes c’est aussi que l’afflux de touristes chasse les gens qui fréquentaient l’endroit auparavant. Dans certains cas, c’est voulu, comme par example a Kabukicho actuellement dont le touriste est volontairement développé pour tuer le lieu et le commerce parallèle qui y existe en vue des JO de 2020. Mais dans d’autres cas, c’est plutôt un effet indésirable. A Ameyoko par example, près de Ueno, l’afflux de touristes, venu voir ce marché permanent, chassent les clients du marché ce qui remet en question son existence.

Le sanctuaire Meiji Jingu par exemple est devenu un coin extrêmement touristique au point que les gestionnaires ont dû engager des vigiles pour éviter que les hordes de touristes dérangent les cérémonies et leurs participants.

Un peu comme Montmartre en gros.

Une manne a double tranchant

Certains au contraire misent tout sur la manne du tourisme. Un des exemples les plus frappant est Labi (Yamada Denki). Voyant l’arrivée des touristes Chinois suite a la simplification des visas, ils ont orienté leurs produits, leur force de vente et leur marketing dans leur direction. L’effet a été immédiat : un grand succès auprès des touristes.

Sauf que leur clientèle traditionnelle a fuit.

Puis les Chinois ont arrêté d’y faire du shopping ou les sommes dépensées ont sérieusement baissées. Et donc les profits sont retombés. Et Labi ayant perdu son image auprès de sa clientèle locale ne sait donc plus trop comment réagir et a dû fermé 45 magasins…

Pour rajouter un exemple personnel, ma dernière visite à Kyoto était aussi révélatrice. Tous les quartiers « touristiques » n’étaient que ça : à destination des touristes. Y compris Gion ou Pontocho, pourtant sensés être des lieux symboles de la culture traditionnelle du Japon. Du coup, je fuis plus ou moins tous les restaurants qui vantent d’avoir un menu en anglais : service à la parisienne.

Les must-see restent des must-see

C’est une des grandes difficultés du tourisme : trouver une équilibre entre les différents groupes de touristes et leurs attentes mais aussi les locaux tout en gérant les flux, construire les infrastructures…

Surtout que pour beaucoup de touristes, surtout ceux venant de loin, la visite d’un pays, souvent fantasmé comme le Japon, passe par un certains nombre de lieux où il faut absolument aller. Et faire un selfie devant à partager sur Instagram ou Snapchat pour bien prouver qu’on est bien au Japon, un Japon reconnaissable histoire d’être validé socialement.

Et donc, pour un premier voyage, ces must-see doivent être inclus. Et c’est là que les campagnes, gouvernementales ou non, se heurtent encore a des difficultés. Oui, les gens sont intéressés par les petits coins secrets où il n’y a personne. Mais il faut y aller. Et lors d’un parcours de 7~10 jours, ces mêmes sites seront sacrifiés au profit des must-see.

C’est sûr que les petits onsens perdus au milieu de la montagne sont super. Sauf quand il faut 5h de trajet pour y aller et qu’a part l’onsen, il n’y a rien. C’est difficile a caser dans un programme où il faut caser le maximum d’expériences.

Pour les visites suivantes, c’est plus jouable, malheureusement, il n’y a pas de statistiques sur le sujet…